Près de quatre ans après le Printemps Arabe qui a mis fin au gouvernement de Zine el-Abidine Ben Ali, les tunisiens se sont rendus aux urnes pour les élections législatives. Premier scrutin depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, il s’agit d’un enjeu décisif et d’un premier pas vers une nouvelle démocratie.
Législatives tunisiennes : Premier pas vers le renouveau
Dimanche 26 octobre, la Tunisie tournait définitivement la page de la Révolution du Jasmin qui avait mis un terme à plus de vingt ans de présidence de Ben Ali. Premières élections depuis la nouvelle constitution du 26 janvier 2014, le scrutin a été qualifié de « crédible et transparent » par la mission d’observation électorale de l’Union Européenne. D’ailleurs, la France et les États-Unis notamment ont salué ces élections qui tranchent avec les autres pays du Printemps Arabe qui ont basculé dans le chaos et la répression.
Déjà un vote sanction
Deuxième élection depuis la chute de Ben Ali et déjà les tunisiens ont exprimé un vote sanction faisant reculer nettement le Parti Ennahda au profit de Nidaa Tounes, grand gagnant avec 85 sièges contre 69 pour le parti islamique. Derrière eux, l’Union Patriotique Libre, Parti du richissime Slim Riahi, arrive en troisième position avec 16 sièges, suivi de très près par le Front Populaire, coalition de gauche et extrême gauche, qui a raflé 15 sièges.
Le Parti leader de cette élection a été crée en 2012 au lendemain de la victoire d’Ennahda à l’élection de la Constituante. Pourtant, cette formation hétéroclite n’est pas si jeune que ça. Son fondateur, Beji Caïd Essebsi va bientôt fêter ses 88 printemps et a débuté sa carrière politique dès l’Indépendance au côté de Bourguiba. Pour lancer Nidaa Tounes, il s’est entouré de personnes qui étaient déjà dans son gouvernement intérimaire et qui sont principalement des proches de l’ancien régime de Zine el-Abidine Ben Ali, de Bourguiba, des régimes passés mais aussi des personnalités de gauche, d’extrême gauche, des opposants à Ennahda.
Une campagne en demi-teinte
Nidaa Tounes, dirigé par Beji Caïd Esebsi, a mené une campagne virulente contre le Parti islamique. Et en l’absence de réels autres objectifs ou propositions concrètes, cette idée de faire barrage à Ennahda apparaît comme l’essentiel de leur programme. Et c’est le mot d’ordre « Tout sauf Ennahda » qui a permis au Parti Nidaa Tounes de rassembler les différents courants et de fédérer les électeurs.
En outre, le parti composé de personnes de différentes formations politiques est désorganisé et aura beaucoup de mal à parler d’une seule voix dans les mois à venir. Déjà lors de la campagne, ce rassemblement a rencontré des dysfonctionnements, notamment sur la constitution des listes qui ont failli causer l’annulation de l’une d’elle par l’ISIE (Instance Supérieure Indépendante pour les Élections).
Cap sur la présidentielle
Malgré son âge, c’est le leader de Nidaa Tounes, Beji Caïd Essebsi qui est le grand favori de cette élection présidentielle où 27 candidats sont en lice. Parmi eux, le président sortant Moncef Marzouki ainsi que des anciens ministres du régime de Ben Ali et une seule femme, la magistrate Kalthoum Kannou.
Le 23 novembre, les tunisiens voteront pour le troisième président de la République depuis l’Indépendance. Et pour éviter de nouveaux abus ou une autre dictature, le futur chef de l’État disposera de pouvoirs restreints, l’essentiel de l’exécutif revenant au premier Ministre.
Le premier tour est prévu le 23 novembre et si aucun candidat ne remporte la majorité absolue des suffrages, un deuxième tour aura lieu fin décembre.
C.B
En tant que franco-tunisien, vous sentez-vous concerné par les échéances électorales tunisiennes ?
Djamil, 25 ans, informaticien : Je me sens concerné car la Tunisie est mon pays d’origine et que ma famille vit là-bas ; pour autant, je n’irai pas voter. Je ne suis pas en mesure de donner ma voix à un Parti car je ne suis pas assez informé sur les différents programmes. Mais je suivrai les résultats avec intérêt.
Nadia, 41 ans, dessinatrice satirique : Le fait d’avoir la double nationalité n’est ni un plus, ni un frein à mon intérêt pour la politique et les élections. Pourquoi faudrait-il que cette double appartenance ait un quelconque impact sur le fait d’être concernée ou pas ? Je m’intéresse à l’avenir de mon pays car j’y vis, j’y travaille et je veux que ces élections nous permettent d’avoir une vie meilleure, que l’on fasse de vraies réformes, que l’on enterre ce vieux système gangrené par la corruption, le clientélisme, le népotisme, … Donc oui, ces élections sont primordiales pour l’avenir de la Tunisie et des tunisiens.
Souhir, 27 ans, journaliste : Oui ces élections m’intéressent. J’ai voté aux législatives, et je suis d’assez près les présidentielles. J’ai peur que certaines personnes, affiliées à l’ancien régime de Ben Ali reviennent au pouvoir. Du coup, j’examine chaque candidature de manière à voter pour quelqu’un qui n’a aucune relation avec l’ancien pouvoir, et qui propose un programme solide pour les tunisiens. Il en va de la survie des idéaux de la Révolution, et de l’avenir de la Tunisie.