La pandémie et les confinements ont un impact sur la santé mentale des Français, qui, selon les chiffres de Santé publique France, se dégrade depuis le printemps. De l’altération du bien-être à la dépression, chacun réagit plus ou moins mal à cette crise synonyme de perte de repères.
Le 19 novembre, Olivier Véran, le ministre de la Santé, révélait que le numéro mis en place pour aider les Français en difficulté psychologique (le 0 800 130 000), géré par des associations, recevait « près de 20 000 appels par jour ». A SOS Amitiés, au niveau national, « avec la crise, on est passé de 6000 appels par jour à 8000 », appuie Marie-Thérèse, une écoutante de l’association.
Au printemps, après une semaine de confinement, 26,7% des personnes interrogées par Santé publique France déclarent être anxieuses, contre 13,5% en 2017. La semaine suivante, la prévalence de la dépression avait doublé.
Et le deuxième confinement, plus léger, n’a pas fait disparaître ce mal-être. Début novembre, 21% des Français souffraient de troubles dépressifs, contre 11% fin septembre.
L’enquête CoviPrev menée par Santé publique France auprès de 2000 personnes révèle les dégâts que cette crise sanitaire a entraîné au niveau de la santé mentale. Ils consistent souvent en un mal-être, une irritabilité, des troubles du sommeil, un manque d’appétit qui s’installent.
Les dégâts sont parfois plus lourds, allant jusqu’à des états d’anxiété et de dépression. L’un des facteurs d’aggravation de l’altération du bien-être mental pendant le premier confinement est, selon le professeur Nicolas Franck, psychiatre et chef de pôle au centre hospitalier Le Vinatier à Bron (Rhône), la « vulnérabilité psychique ». Auteur d’un livre (Covid-19 et détresse psychologique : 2021, l’odyssée du confinement) et d’une enquête sur le sujet, il révèle que « le fait d’être suivi ou d’avoir été suivi en psychiatrie a rendu les personnes plus sensibles au stress. »
Des étudiants en détresse
L’autre facteur aggravant est selon le psychiatre « le jeune âge ». Le premier confinement a généré « une grande insécurité pour des personnes en cours de construction, privées d’enseignement et de perspectives d’avenir », estime-t-il. Selon Santé publique France, les troubles dépressifs des 18-24 ans ont en effet augmenté de 16 points entre fin septembre et début novembre.
De son côté, SOS Amitiés rassure de plus en plus d’étudiants, notamment par Tchat ou messagerie électronique, canaux privilégiés des jeunes. « Ils ne savent pas comment ils vont terminer le mois parce qu’ils n’ont plus de petit boulot. Ce stress s’ajoute à l’enfermement et l’isolement, très mal vécus par beaucoup », explique Marie-Thérèse.
La crise économique qui découle de la crise sanitaire a aussi des effets néfastes sur la santé mentale. D’ailleurs, l’enquête de Santé publique France le montre : début novembre, 35% des personnes ayant une situation financière difficile souffraient de troubles dépressifs, contre 14% pour celles ayant une bonne situation financière.
La population française ne sort donc pas indemne des périodes de confinement. Perte de repères, isolement, insécurité financière ont des incidences psychologiques. « Il y a la peur du virus aussi », ajoute Marie-Thérèse pour SOS Amitiés. « Mais il n’y a pas que ça qui cause de l’angoisse. C’est tout à la fois ».
« Le masque coupe la relation » avec les jeunes enfants
Anna Cognet, psychologue clinicienne, est inquiète. Son expérience dans les services de néonatologie l’a poussée à co-signer une tribune dans Libération, avec Célia du Peuty, également psychologue clinicienne. Toutes deux y disent leur inquiétude quant aux conséquences du port du masque par les adultes travaillant avec de jeunes enfants.
« Les professionnelles des crèches le disent : le masque coupe la relation avec les enfants », commence Anna Cognet. « Les adultes caricaturent spontanément le langage quand ils s’adressent aux enfants, pour qu’ils comprennent justement que ça leur est adressé. Or quand on ne la voit pas, on ne comprend pas l’intention de l’autre. Dans les crèches, les bébés passent leurs journées avec des adultes qu’ils n’arrivent pas à identifier et dont les sons sont assourdis par le masque », détaille-t-elle, en s’inquiétant pour « la compréhension relationnelle » de ces bébés qui ne voient plus que le haut des visages.
« Plus tard, les enfants apprennent à parler en suivant et reproduisant les mouvements de la bouche », ajoute-t-elle, évoquant les retards de langage que pourrait entraîner le port du masque par les adultes.
Et de reconnaître : « Je ne suis pas certaine des conséquences mais on fait des projections. Heureusement, le temps passé avec les parents (qui, eux, ne portent pas de masque) compense. Et les jeunes enfants rattrapent vite les retards. »