L’Algérie a fêté les 50 ans de son indépendance il y a deux ans, une occasion pour l’écrivaine Fadila Sammari de dresser aujourd’hui 50 portraits hétéroclites d’Algériens. Plus précisément 50 portraits de la diaspora algérienne… Chroniques françaises, destins algériens : à lire d’urgence.
Le regard clair rieur, la voix toujours posée, les mots pesés, Fadila Sammari est une représentante de la diaspora algérienne en France. Et elle aime parler de son pays d’origine. Ou plus précisément des gens qui constituent, ici et là, la nation et l’identité algérienne. Cette femme de poigne, née à Belfort de parents algériens, est responsable de la communication chez Véolia. Une réussite professionnelle indéniable. Mais elle est surtout écrivaine, scribe de l’Algérie contemporaine et humaine : elle sort aujourd’hui le très beau livre Chroniques françaises, destins algériens. Une façon de faire le pont entre deux rives que l’histoire a trop souvent opposées.
Les Algériens de France
Fadila Sammari est une conteuse, pas une historienne. Elle laisse à d’autres les relations tumultueuses qu’entretiennent la France et l’Algérie pour se concentrer sur ce qui nous rassemble. Elle s’attache alors à parler de la diaspora qui a su « créer une passerelle », riche de ces deux cultures.
Elle nous parle donc dans un style épuré presque journalistique d’émigration. D’émigration et non d’immigration. Chroniques françaises, destin algériens tient à souligner en filigrane le départ et les renonciations nostalgiques qu’entraîne l’exil dans son sillon. Elle nous parle de « ces Algériens qui s’implantent sur cette terre dont ils ne connaissent rien. Ceux-là même qui y découvrent la pluie, l’humidité, la tristesse qui les enveloppe tel un manteau, couleur sombre, sombre comme le ciel menaçant, froideur dans les regards, exclusion ». Elle rend un hommage sensible aux parents, « ces illustres invisibles », venus en pionniers loin « des beautés ensoleillées de l’Algérie ».
Mais elle y dresse aussi avant tout un portrait des filles et fils de ces pionniers. La deuxième et troisième générations, celles faites d’ avocats, de journalistes ou de médecins. Parisiens, marseillais, biterrois, bordelais, tous composent avec leur double patrimoine. Et chemin faisant, Fadila Sammari, prend à contre-pied les clichés véhiculés sur les enfants d’immigrés. Ces clichés qui ont particulièrement la vie facile en cette période faste pour les idéologies d’extrême-droite.
Tous ces témoignages offrent une radiographie de l’exil et de la société française. Les très beaux portraits noirs et blancs qui accompagnent le texte nous plongent dans ces regards, forcément originaux. Regards aiguisés qui nous permettent de prendre de la hauteur sur notre pays commun, la France, et de tisser des liens avec ce pays voisin si mal connu de nous, l’Algérie.
Un voyage humain et enrichissant que nous offre généreusement Fadila Sammari.
E.O
Chroniques françaises, destins algériens. Chihab Editions