Pape Diouf à la conquête de la cité phocéenne

« Rendre Marseille aux Marseillais ». Voici le leitmotiv de Pape Diouf, candidat aux élections municipales 2014. On connaissait Pape Diouf journaliste sportif, Président de l’O.M., agent de joueurs, consultant, mais aujourd’hui c’est à la tête du  collectif citoyen « Changer la donne » que l’homme entend peser sur la vie locale. Rencontre.

Pape Diouf  à la conquête de la cité phocéenne

Echos d’Orient : Vous semblez vous positionner en outsider qui souhaite rompre avec les pratiques politiques conventionnelles. Est-ce une façon de fustiger la politique pratiquée à Marseille ?

Pape DIOUF : Je ne suis pas contre la politique. Je ne critique pas les Partis : toute démocratie a besoin d’organisations politiques solides. Je récuse simplement les démarches politiciennes qui  phagocytent le débat et vous mettent dans une camisole de force. Encartés dans un Parti, vous êtes obligés de suivre les mots d’ordre donnés par les instances. De ce fait, vous vous éloignez de la ligne de conduite populaire, la seule qui amène à adopter des positions qui vont dans le sens de l’intérêt général et non dans celui de l’intérêt particulier d’un Parti.

Redonner la place au citoyen est le mot d’ordre de votre campagne comment pensez-vous garder ce lien populaire?

En faisant ce que l’on dit et en disant ce que l’on fait. Il faut associer plus étroitement les citoyens dans les décisions à prendre et non pas les prendre à leur place. Il faut recenser avec eux via des concertations les problèmes qui gangrènent la ville.

La posture non partisane que vous affichez vous vaut des critiques. Notamment celle du secrétaire général adjoint du Modem, Christophe Madrolle, qui vous a taxé de « candidature de témoignage ». Etes-vous cela, un candidat de témoignage ?

Combien même je serais une candidature de témoignage, où est le mal ? Cela prouverait bien au moins que nous ne sommes pas dans une recherche de position ou de privilège. J’entends en effet certains politiques, dont M. Madrolle, nous reprocher notre manque d’expérience. Ils ont raison !  Nous sommes très inexpérimentés lorsqu’il s’agit de sophistiquer les méthodes de clientélisme, de mettre en place des systèmes de corruption ou de ciseler de petites phrases, par exemple. Si c’est cela l’inexpérience et l’amateurisme, nous le sommes !

Pourquoi avoir choisi de vous présenter en tête de liste dans le 7ème secteur, qui cristallise les problèmes de sécurité et toute la violence sociale et économique ?

Ça a émergé suite à une discussion collective. C’est l’un des secteurs les plus importants de la ville avec plus de 150 000 électeurs potentiels. De plus, les extrémismes s’y installent. Il faut que de manière emblématique je puisse être là, qu’il y ait une alternative.

« Nos concitoyens en ont assez de ces fausses oppositions mises en scène le temps d’une campagne »

Quelles sont les causes des difficultés rencontrées dans les quartiers, selon vous ?  

Il y a un problème social. C’est socialement que ces quartiers sont en perdition.

Les populations ont été laissées à l’écart, mises à la lisière des villes. Puis on les a laissé vivre d’expédients. Qui dit expédient, dit petits larcins, dit trafics de drogues, dit forcément une forme de violence sociale.

Mais il ne faut pas simplement dénoncer la violence, il ne faut pas se lever et emmener les chars et l’armée. Ce ne sont pas ces solutions qui éradiquent l’insécurité. C’est seulement bon pour les raccourcis médiatico-journalistico-politiques. Quand on veut vraiment enrayer cette violence, il faut en comprendre les fondements, la substance. On soigne bien quand on diagnostique correctement le mal. C’est ce que nous ferons. Mon équipe, constituée de personnes de terrain, a toutes les compétences pour recenser, en collaboration avec les populations, les problèmes. Les solutions suivront.

Quel regard portez-vous sur le bilan de la municipalité sortante ?

Si Monsieur Gaudin avait fait tout ce qu’il devait faire, vous croyez que je serais là à m’engager aujourd’hui… ?

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« Changer la donne » ne propose pas de programme mais un contrat citoyen aux Marseillais.

Quelques repères des grands axes défendus.

Trois mots scellent la campagne de l’ancien président de l’O.M. : transparence, écoute et responsabilité. Le candidat ne mâche d’ailleurs pas ses mots lorsqu’il s’agit de dénoncer la crise de confiance des électeurs envers la ou le politique : « Nos concitoyens en ont assez de ces fausses oppositions mises en scène le temps d’une campagne et vite oubliées le lendemain ».

Face à l’opacité des pratiques locales, le contrat citoyen propose d’instaurer une éthique dans la vie politique par la déclaration des conflits d’intérêt des élus et d’insuffler de la transparence au cœur des finances publiques en stoppant, notamment, les partenariats publics-privés.

Le mouvement affirme clairement sa priorité budgétaire : l’école. 30 millions d’euros seraient débloqués pour la rentrée 2014. Soit 2% du budget de la ville. Il entend favoriser la scolarisation des moins de 3 ans et renforcer le soutien scolaire notamment en activant les moyens financiers annoncés par l’Etat pour lutter contre le décrochage scolaire. Un conseil municipal dédié à l’école serait constitué.

La Mer, bassin d’emploi

Quant à l’emploi, « Changer la donne » ne veut pas « résumer la politique économique au tourisme ». Critique à peine masquée de la stratégie menée ces derniers mois par la municipalité sortante. Pape Diouf et son équipe entendent miser sur les TPE qui forment le tissu économique marseillais. Quelques mesures préconisées : la création d’un guichet unique et du micro-crédit pour les petites entreprises afin de « simplifier les démarches de création et l’accès aux premiers financements », la tenue d’une conférence annuelle pour l’emploi présidée par le Maire ou encore la valorisation de l’économie sociale et solidaire via un contrat local et la création de pépinières.

« Changer la donne » compte développer l’économie liée au port et valoriser la formation aux métiers de la mer.

Les questions de sécurité sont, quant à elles, désamorcées au profit de mesures de prévention : la police municipale serait renforcée mais décentralisée et affectée aux missions de dissuasion, des lieux d’écoute et des ateliers de concertation seraient créer pour « apaiser la ville ».

La patte des écologistes

Si certains adversaires de M. Diouf ont fustigé un temps le flou politique de sa candidature et l’absence d’orientations claires, force est de constater que le contrat citoyen offre des propositions très concrètes en matière d’environnement, de transport ou de santé. Quelques idées : « Changer la donne » veut se diriger vers une Ceinture verte de Marseille, en préservant la Nerthe, le massif de l’Etoile et les Calanques. Il veut appliquer un entretien écologique des espaces verts (revêtements perméables, récupération d’eau pluviale) « vers zéro pesticide dans les parcs et jardins publics ».

L’aménagement de l’Huveaune pour lutter contre la pollution des plages du Prado est préconisé. Pape Diouf et son équipe entendent également doubler les déchets recyclés d’ici la fin de la mandature. L’influence des (ex)écologistes, nombreux autour de Pape Diouf, se fait ici largement sentir.

La politique de transports veut valoriser le collectif: « Nous engagerons les moyens pour relier en transports collectifs les bassins d’emplois et de vie de Marseille, Aix, Aubagne, Vitrolles-Marignane, en coopération avec la Région et la SNCF qui organisent les trains régionaux (TER) ».

En matière de santé, le collectif souhaite « lutter contre les déserts médicaux et le mauvais accès aux soins en soutenant les projets de Maisons de Santé pluridisciplinaires ».

Le programme est ambitieux. Arrivera-t-il à convaincre les Marseillais de se laisser tenter par une expérimentation citoyenne made in Pape Diouf ?

Entretien avec Pierre-Alain Cardona, directeur de campagne de Pape Diouf

Echos d’Orient : Pourquoi avoir choisi de nommer vos propositions, « contrat citoyen » plus que « programme électoral » ?

Cela représente bien l’idée fondamentale défendue par  Pape Diouf, celle du citoyen acteur [présente dans la notion de contrat, ndlr]. Le citoyen n’est plus le simple consommateur d’un programme donné.

En parcourant le contrat citoyen, il y a une mention spéciale sur le clientélisme. Est écrit que vous expérimenterez des mesures plus radicales comme le dossier anonyme ou le tirage au sort. Qu’entendez-vous par là ? 

Imaginons d’abord qu’on pose des critères objectifs d’attribution d’une place en crèche ou d’un logement social, par exemple. Imaginons que les dossiers soient anonymes pour qu’il n’y ait pas d’interventions extérieures. Enfin, si deux dossiers, suite à ces étapes, sont absolument identiques, comment les départager ? Pourquoi ne pas imaginer expérimenter un tirage au sort, garant de la neutralité du choix et de la décision rendue…

En matière d’habitat, vous faites état de politiques de réserves foncières inexistantes à Marseille. Que comptez-vous mettre en place?

Beaucoup de réserves foncières de la ville [terrains appartenant à la cité phocéenne] ont été vendues à des promoteurs immobiliers pour renflouer les caisses de la ville. Donc par simple opportunisme et sans réelle vision politique.

L’idée serait de créer « de la ville dans la ville », c’est-à-dire des petits centres-villes dans les quartiers, notamment Nord et Est, avec les terrains qui appartiennent encore à la municipalité. Faire ce qu’on appelle de la mixité fonctionnelle en alliant sur un même terrain commerces, bureaux,  logements sociaux, etc.

Vous positionnez-vous comme une alternative au Front National qui se place sur la même ligne que vous en dénonçant le copinage entre grands Partis ?

Non. Nous aimerions pouvoir convaincre les abstentionnistes, ceux qui n’y croient plus.

Pour répondre aux Marseillais qui ont du mal à cerner vos positions, sur l’échiquier politique traditionnel [qui fait office de repère idéologique] où vous placez-vous ?

C’est compliqué puisque nous voulons transcender les antagonismes politiciens. Nous ne sommes fermés à aucune proposition. Mais pour ceux qui ont absolument besoin de repères, j’ai tendance à dire qu’il suffit de regarder le parcours des personnes qui entourent Pape Diouf… Les sensibilités se situent alors à Gauche.

Apres les élections municipales, le collectif changer la donne continue le mouvement.

Plus d’infos : http://www.papediouf.fr/

E.O

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