
Samedi 22 novembre à 15 h, plus de 10 000 personnes se sont rassemblées au rond-point Claudie d’Arcy dans le quatrième arrondissement à Marseille pour une marche blanche en hommage à Mehdi Kessaci, jeune Marseillais de 20 ans, tué par balle le 13 novembre. Familles, voisins, anonymes, adolescents, retraités… Tous unis par la même émotion : accompagner une famille brisée et affirmer un refus commun de l’engrenage de la violence.
Un silence partagé, une même émotion
En tête de cortège, une large banderole résumait l’esprit du rassemblement : “Pour la vie, pour Mehdi, pour la République, pour Marseille, nous marchons.” Un message simple, solennel, devenu le fil conducteur de cette marche blanche. Dès les premières minutes, l’atmosphère était saisissante. Le bruit de la circulation s’effaçait derrière un silence profond, partagé. Les pas étaient lents, les gestes mesurés. À l’endroit où Mehdi est tombé, le bitume avait disparu sous un tapis de fleurs blanches. Des bouquets anonymes, des messages écrits à la main, des hommages déposés avec précaution. Le lieu du drame s’était transformé en un sanctuaire de mémoire. Parmi ceux venus rendre hommage, Pierre, 85 ans, regard humide, s’est arrêté longuement devant les fleurs. « Je ne connais pas cette famille, mais j’ai un petit-fils de son âge. On ne peut pas rester indifférent », confie-t-il. Plus loin, un autre témoignage, celui de Ahmed, proche de la famille, résume le sens de ce rassemblement : « Il y a des gens de toutes origines et de tous milieux. Aujourd’hui, il n’y a qu’un nom qui compte : Mehdi. » Ce samedi, l’union ne relevait pas de slogans : elle se ressentait.

Une ville qui refuse la fatalité
La mère de Mehdi s’est avancée vers le micro, le tee-shirt portant la photo de son fils contre sa poitrine. Dès qu’elle a commencé à parler, la foule s’est figée dans un silence encore plus dense. Sa voix tremblante mais lucide a traversé l’espace. Elle a décrit son fils sans colère, mais avec tendresse et vérité : « Mehdi était gentil, respectueux, il aidait tout le monde. Il n’a jamais fait de mal à personne. Il avait ce sourire, cette douceur… Il aimait les animaux, il aimait la vie. » Ce témoignage brut, intime, a traversé la foule. Ici, le deuil avait un visage, une voix, un souvenir vivant. Puis est venu le tour d’Amine Kessaci, son frère. La voix posée, il a rappelé le sens de cette marche : « Mon frère Mehdi était innocent. Il n’était coupable que d’être mon frère. (…) Ne laissez pas son nom tomber dans l’oubli. Mehdi, Mehdi, Mehdi. » Il a également rappelé que son frère avait un rêve précis et noble : il voulait devenir gardien de la paix. Servir, protéger, pacifier. Un projet de vie tourné vers l’ordre et la sécurité — très loin de la spirale violente qui l’a emporté. Amine a rappelé avoir déjà perdu son autre frère Brahim, dans des circonstances similaires. Sans chercher l’émotion, il a dit l’essentiel : « Le narcotrafic contrôle, corrompt et tue. » À Marseille, le narcotrafic laisse derrière lui des familles brisées, des destins fauchés, des quartiers sous tension. Le meurtre de Mehdi n’est pas un fait divers isolé. Depuis plusieurs années, les chiffres explosent à Marseille : des dizaines de morts par règlements de comptes, des réseaux de narcotrafic mieux organisés, des quartiers entiers pris en otage.
La marche blanche s’est terminée dans le même silence solennel qu’à son commencement. Ce n’était pas seulement l’hommage à un jeune homme de 20 ans. C’était le cri d’une ville entière qui refuse de s’habituer à la mort. Et à travers cette union, un message simple a émergé : Mehdi Kessaci ne sera pas un nom parmi d’autres. Sa mémoire restera.
F.C




