Le Gang des Amazones : une histoire vraie de sororité et de survie

Inspiré d’un fait divers survenu en Provence à la fin des années 1980, Le Gang des Amazones, signé Mélissa Drigeard, retrace la trajectoire bouleversante de cinq jeunes femmes poussées au braquage par la précarité. Présenté en avant-première à Marseille, le film met en lumière une amitié indéfectible et interroge la limite à partir de laquelle la société peut conduire à l’irréparable.

Un fait divers oublié, ravivé par le cinéma

Lors de l’avant-première, à Marseille, la salle vibrait d’une émotion particulière. Parmi le public, se trouvait Katy – l’une des véritables « Amazones ». Sa simple présence rappelait combien cette histoire, malgré le temps écoulé, reste vivante et brûlante.

Tout commence à la fin des années 1980, à L’Isle-sur-la-Sorgue. Cinq amies d’enfance, issues des quartiers populaires, se retrouvent acculées par l’injustice sociale. L’étincelle ? Une lettre de la CAF annonçant à Hélène qu’elle devra rembourser un trop-perçu et ne touchera plus que 31 francs par mois. Trois enfants à charge, un père absent, une mère qui travaille de nuit… La survie se fait étranglée. Cette situation déclenche une réaction en chaîne. Katy, portée par une loyauté sans limite, propose ce que personne n’aurait imaginé : braquer une banque. Puis six autres. une spirale folle, portée par l’amitié, l’urgence, parfois l’adréanaline, et surtout cette certitude que, dans une société qui ne leur laisse aucune place, il faut inventer la sienne. « Trente-cinq ans plus tard, leur parole s’est libérée. Elles nous ont confié des éléments ignorés jusqu’à présent », explique la réalisatrice Mélissa Drigeard. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque, mais le regard médiatique, souvent moqueur et misogyne, n’a pas permis d’entendre leur vérité. Longtemps, leur histoire est restée invisible. La réalisatrice choisit de filmer ces trajectoires depuis le regard de Katy, évitant le spectaculaire pour mieux se concentrer sur la dimension sociale et intime de ces vies cabossées. D’ailleurs, la question du déterminisme social traverse le film de bout en bout : absence de père, précarité, violence familiale, solitude affective…

« Je préférais être vivante quelques mois plutôt que morte toute une vie »

Du déterminisme social à la bascule

Porté par Lyna Khoudri, le personnage de Katy se révèle intense, dur et délicat tout à la fois. « Je voulais trouver cet équilibre entre détermination, violence intérieure et douceur », confie l’actrice, qui a rencontré la vraie Katy durant le tournage. À ses côtés, Izïa Higelin campe une Hélène bouleversante, symbole d’une femme ordinaire poussée à un acte extraordinaire. Elle s’interroge : « Qu’est-ce qui pousse quelqu’un comme Hélène à passer à l’acte ? » Malika, Laurence, Carole… toutes sont animées par un mélange de blessures, d’amour et d’urgence. Pour certaines, l’argent n’est même pas le moteur : il y a l’amitié, cette force qui les tient debout. « La seule chose sur laquelle elles peuvent compter, c’est leur amitié », souligne Izïa Higelin. La caméra de Mélissa Drigeard adopte le point de vue de Katy, collée à ses doutes, sa colère, sa fougue. Elle filme sans fard la précarité, les violences familiales, l’absence d’avenir, mais aussi les rires, l’énergie, l’adrénaline des braquages.« Je préférais être vivante quelques mois plutôt que morte toute une vie », confie aujourd’hui Hélène. Cette phrase résume la fougue et la fragilité de ces jeunes femmes – âgées de 20 à 27 ans au moment des faits.

Procès, justice et réinsertion : une humanité à nu

La dernière partie du film nous plonge dans le procès, orchestré avec une sobriété remarquable. La juge d’instruction, Françoise Saboye, perçoit derrière le délit la détresse. Elle choisit d’agir avec empathie, convaincue du potentiel de réinsertion de ces jeunes femmes. Une décision audacieuse, rare à l’époque, qui sauvera leurs vies. Hier soir, l’émotion était palpable. Voir l’une des véritables protagonistes, aujourd’hui réinsérée, assise parmi les spectateurs, donne à ce récit une profondeur nouvelle. Car au-delà des braquages, Le Gang des Amazones raconte l’essentiel : la dignité, la loyauté, et la puissance de la sororité.

F.C

Le Gang des Amazones -En salle le 12 novembre

Photos/©2025Cheyenne.federation/jm@apollo-films.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *