À 19 ans, la jeune comédienne d’origine ivoirienne est en lice pour le César du Meilleur espoir féminin 2015. Sa performance dans le rôle de Vic, une jeune lycéenne rebelle découvrant ses premiers émois au sein de son groupe de copines, dans le film de Céline Sciamma, Bande de filles, a marqué les esprits. Et le nôtre. Rencontre.
Echos d’Orient : Vous avez été repérée par la directrice de casting de Céline Sciamma à la foire du Trône à Paris, et aujourd’hui vous êtes nominée pour les César, Quel parcours ! A-t-on assisté à la naissance d’une vocation d’actrice ?
Karidja : Dès que je me suis rendue compte que, contrairement à l’école, je me levais le matin sans difficulté pour aller tourner Bande de filles, j’ai su que j’avais attrapé le goût pour le cinéma et la comédie. J’ai le virus maintenant, je veux continuer ! [rires]
Bande de filles emmène le spectateur au cœur de l’adolescence et de ses découvertes émancipatrices. Il interroge sur le poids familial, culturel et scolaire dans la construction personnelle d’un adolescent. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce scénario ?
J’ai tout de suite aimé son coté réaliste. Il y a une scène où le principal du collège veut que Vic, le personnage que j’interprète, aille faire un CAP sans autre perspective d’avenir. Ces problèmes d’orientation, je les ai moi-même connu et sont très fréquents.
Certains se sont focalisés sur le fait que l’intrigue se passe en banlieue. Ils ont imaginé que les problématiques soulevées par le film étaient propres aux banlieues, je ne suis pas tout à fait d’accord, ce que j’ai aimé justement ce sont les sentiments universels évoqués dans Bande de filles qui en font un bon film accessible à tous : l’adolescence, l’amitié, les influences de l’entourage, la construction personnelle souvent semée d’embûches.
Dans Bande de filles, il y est aussi question de discrimination…
Il y a cette scène où Vic se fait arrêter par le vigile d’un magasin qui la suspecte de vol. Je ne connais pas une personne d’origine africaine ou arabe qui n’ait pas connu ce délit de faciès. Je pense que le montrer dans le film permet de lever un tabou.
On a reproché au film de véhiculer une image de la femme d’origine africaine emplie de stéréotypes : elle hurle dans la rue, elle est dans une spirale d’échecs à l’école, il y a le poids de la famille dans son émancipation future, la violence de la banlieue, le deal. Ne tombe-t-on pas en effet dans des clichés malheureux ?
Ce sont des susceptibilités déplacées. Il faut se rendre compte, au contraire, que c’est le premier film « africain ». Il sublime la beauté black. Nous y sommes les héroïnes. Ça change ! En général, dans les castings, les blacks sont là pour la figuration. À tel point qu’en tant qu’actrice d’origine africaine, on en vient à regarder le cinéma français de loin et à rêver des Etats-Unis qui semblent plus ouverts à la diversité.
Pourquoi justement le cinéma français ne donne-t-il pas sa chance aux acteurs « blacks » comme vous le dites ?
C’est un mystère. Pour Bande de Filles, nous étions 200 à passer le casting. Beaucoup avaient du talent selon Céline Sciamma. Ces talents-là n’attendent qu’une chose, qu’on leur donne leur chance. En 2014, arrêtons de recruter sur la couleur de peau, recrutons sur le talent. Dans un script, une Michelle peut tout aussi bien être noire que blanche !
Avec qui aimeriez-vous tourner maintenant ?
J’adorerais maintenant jouer dans un film d’action américain. J’ai aimé Divergente de Neil Burger par exemple. Au final, pour les scènes de bagarres dans Bandes de filles, j’ai eu un coach sportif, et je dois dire que j’y ai pris goût. [rires]
J’aimerais également jouer avec Kerry Washington, j’adore la série Scandal!
E.O