
À travers Les Larmes d’Henriette, Princesse Josépha Malerbe ravive la mémoire de sa sœur, tuée par son mari au Cameroun, et interroge nos sociétés sur la banalisation tragique de la violence faite aux femmes. Son récit, à hauteur d’âme, dit l’enfance fauchée, la colère retenue et la reconstruction par la parole. Un témoignage qui résonne alors que les féminicides, en France comme ailleurs, continuent d’augmenter.
Une vérité découverte dans une robe tachée de sang
Lorsque Josépha évoque sa sœur Henriette, l’émotion affleure derrière chaque mot. « Elle était comme une mère pour moi. Elle était tout pour moi », confie-t-elle. Henriette est morte à 27 ans, enceinte de trois mois, officiellement d’un “anévrisme”. Pendant un an, la famille soutient le mari endeuillé, ignorant qu’elle pleure aux côtés de son meurtrier présumé. Tout bascule lorsque Josépha, alors âgée de 14 ans, découvre au fond d’une armoire un vêtement qui fait éclater la vérité : « J’ai retrouvé sa robe… il y avait du sang partout. » Une robe déchirée, jamais lavée, abandonnée comme une vérité qu’on tente de dissimuler. Peu après, un médecin légiste révèle au père ce que personne n’avait osé dire : Henriette a été battue à mort. Le mari ne sera jamais condamné. Un an après les faits, il a refait sa vie. Ce traumatisme, silencieux et irréversible, s’ancre dans le cœur d’une adolescente qui voit son monde s’effondrer. La rage aurait pu la détruire ; elle deviendra un moteur. Pour ne pas se laisser submerger par la colère, Josépha commence par enregistrer sa douleur sur des cassettes audio. Plus tard, elle écrit ses mots dans un manuscrit qu’elle retravaillera pendant des années. L’écriture devient alors une thérapie, mais aussi une manière de préserver la mémoire de sa sœur. C’est ainsi que naîtront Les Larmes d’Henriette.
Déconstruire l’inacceptable : “Elles pensent que c’est normal”
Au fil de l’entretien, Josépha décrit un phénomène qui l’a profondément marquée : la banalisation de la violence conjugale. Au Cameroun, elle se souvient de femmes convaincues que les coups de leur mari étaient une preuve d’amour. Cette confusion entre affection et domination est, selon elle, profondément installée. « Ils ont associé la violence à l’amour », analyse-t-elle. Une emprise qui enferme, culpabilise et réduit au silence. La France n’est pas épargnée. En 2025, 91 féminicides (au 28 novembre) ont déjà été recensés. À cela s’ajoutent 272 400 faits de violences conjugales enregistrés par les services de sécurité. Les chiffres augmentent. Le phénomène persiste. Et les discours ne suffisent plus. C’est dans ce contexte que Josépha fonde à Martigues son association Henriette, la voix d’un ange, en hommage à sa sœur. Depuis près de dix ans, elle y mène des actions de prévention et de sensibilisation. Particularité : elle accompagne également les auteurs de violences. « Beaucoup reproduisent ce qu’ils ont vécu. Mais être violent n’est pas normal », insiste-t-elle. Une démarche rare, qui vise à briser la chaîne à sa source.
Une présence vivante, à travers chaque mot
Lors de la dédicace de son livre Les Larmes d’Henriette à la Librairie internationale de Marseille, Josépha accueille chaque lecteur avec une attention rare. Elle écoute, sourit, observe, puis inscrit quelques lignes personnalisées dans chaque exemplaire. Ses mots, choisis avec une délicatesse presque rituelle, donnent l’impression de prolonger un dialogue intime avec sa sœur disparue. Solaire, déterminée, portée par une énergie qui frappe autant qu’elle apaise, Josépha semble faire exister Henriette à travers chacun de ses gestes. Son engagement devient alors une manière de maintenir vivante la présence de cette sœur aimée, guidant encore ses pas dans le combat contre les violences.
« Henriette a crié, mais on ne l’a pas entendue. Moi, j’ai entendu ses larmes… et les écrits restent », conclut-elle.

« Les Larmes d’Henriette » retrace l’histoire vraie de la sœur de Josépha Malerbe tuée par son mari et le chemin de résilience qui mènera l’autrice à transformer sa douleur en engagement. Aux Éditions La bruyere.




