Nawell Madani, reine de l’humour

La petite trentaine, Nawell Madani est une boule d’énergie. Venue de Belgique conquérir Paris grâce à un humour qui ne se donne aucune limite, la jeune humoriste monte, monte, monte. Et elle travaille pour s’en donner les moyens. Tout le temps. Danse, sketchs sur Internet, tournée dans toute la France de son one woman show C’est moi la plus belge. La jeune femme n’arrête pas. Rencontre. 

Nawell Madani, reine de l’humour

Echos d’Orient : Vous avez un parcours assez atypique, vous avez suivi des études de marketing en Belgique avant de venir conquérir Paris avec l’idée de réussir dans la danse, votre passion. Mais au final, vous débutez avec le Jamel Comedy Club et aujourd’hui vous cartonnez avec votre spectacle C’est moi la plus belge. Qu’est-ce qui vous amené à l’humour, au stand-up ?

 

Nawell : À l’origine, j’ai dû suivre des études parce que mes parents ne voulaient pas que je sois danseuse. Nous avons passé un deal, je continuais la danse mais je ne lâchais pas les études. Donc je me suis tournée vers le marketing en pensant que cette matière m’aiderait à me développer et à m’encadrer. Une fois mon diplôme en main, je pouvais vivre pleinement mon envie. Je suis partie à Paris. Mais j’ai très vite déchanté. Quand tu débutes dans le hip-hop, danser dans des clips où forcément on te demande de faire la potiche, c’est ça la réalité ! Or, ce qui me plaisait le plus dans la danse, c’était d’incarner le personnage. C’est à ce moment que ça a été une évidence pour moi : si je voulais incarner, je devais me tourner vers la comédie.

 

Et la comédie vous réussit bien puisque votre spectacle est un succès. Qu’est-ce qui vous plaît dans le one woman show ?

 

J’aime le contact avec le public. Sur scène, on est en adéquation avec lui. On peut également réagir très vite à l’actualité pour l’évoquer devant les gens. On peut rebondir sur les événements et les désamorcer, ce qui est le propre du rire. Il y a cette réactivité et cette spontanéité qui sont fabuleuses sur scène. Et qui ne sont pas possibles au cinéma, par exemple.

 

Vous avez intégré le Jamel Comedy Club en 2011 et surtout investi Internet. On dit souvent de vous que vous êtes une humoriste 2.0…. C’est la clef de la réussite pour de jeunes talents aujourd’hui ?

« Je suis le fruit de ma génération »

Avec le partage de vidéos, c’est comme si vous aviez le carnet d’adresses d’un peu tout le monde. Moi, ça m’a aidé quand je n’avais pas accès aux producteurs. Ce n’est pas parce qu’on fait le Jamel Comedy Club qu’on devient connu. Beaucoup de gens passent par là. Parfois, les passages passent à la trappe. J’ai eu la chance que le mien fasse un gros succès : il y a eu 1 million de vues de ma vidéo sur Internet en l’espace de trois semaines. Ça m’a fait un déclic. Lorsque j’ai vu qu’Instagram avait sorti une nouvelle application vidéo de 16 secondes, j’ai été la première à faire des mini sketchs « les Instawell » (contraction d’ Instagram et de Nawell, ndlr). Ça m’a permis d’élargir mon public.

 

Est-ce qu’ Internet et ses formats très courts influencent votre façon de penser l’humour, de le produire ?

La scène et la pratique de l’humour sur Internet sont deux exercices complètement différents. Sur les formats courts du web, il faut tout de suite aller à la vanne. J’ai pu voir en me confrontant à cette pratique que j’étais percutante. Ensuite, il y a l’exercice scénique qui demande d’approfondir des personnages, d’installer une histoire. Je me transforme alors en conteuse.

Danseuse, humoriste, « sketcheuse » Internet, quelle polyvalence…

Je suis le fruit de ma génération. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de faire une seule chose. On cumule les jobs, les collaborations et au final les compétences. Et puis cette polyvalence est nécessaire aussi pour se démarquer. Il y a beaucoup d’humoristes à Paris.

Qu’est-ce qui vous différencie des autres justement ?

Mon histoire tout simplement. J’étais chorégraphe, danseuse, j’ai connu des obstacles, notamment lorsque je suis arrivée à Paris : galères de travail, de logement. Ça a été une période de ma vie compliquée. Et puis, j’ai des origines maghrébines. Il faut savoir qu’il n’y a pas de jeunes maghrébines qui font du one woman show. Donc forcément, être la première maghrébine en one woman show, me permet d’aborder des sujets originaux en lien avec mes origines. J’ai ainsi conquis un nouveau public qui n’avait pas de référent.

Justement, quels sont les sujets qui touchent votre public dans C’est moi la plus belge ?

Parfois, il y a dans la salle un silence de cathédrale, notamment quand je soulève les problèmes que j’ai eu avec mon pére, l’obsession de gagner sa fierté. Au final, mon spectacle parle d’une fille qui part à la conquête de la fierté de son père. Et je sens que cela touche. Je rends aussi hommage à mes parents, à mes origines, à l’éducation que j’ai eue qui pouvait paraître, de l’extérieur, rigide et machiste mais qui ne l’était pas. Une éducation qui m’a permis de me prémunir contre le vrai machisme que l’on découvre dans le monde du travail. Il est là, le machisme ! Je me souviens de la réaction de mon père quand les boulots de danseuse hip-hop qu’on me proposait étaient de me trémousser en bikini. Il m’a demandé si c’était cela que je voulais, si je voulais être perçue ainsi, que d’autres hommes me traitent ainsi. C’est aussi cette exigence de mon père qui m’a protégée. Et je pense que ça aussi, ça parle à mon public.

Vous venez de dire que le vrai machisme se trouve dans le monde du travail. Est-ce plus difficile de s’imposer quand on est une femme dans l’univers de l’humour ?

Certainement. Beaucoup partent du principe que les femmes sont moins drôles. Pourtant elles le sont mais il faut simplement vouloir l’accepter. Personnellement, lorsque j’arrive sur scène, je casse un peu mon image, le physique est oublié et on rit. Aujourd’hui, on est de plus en plus nombreuses parce qu’on s’accroche mais on n’est jamais à l’abri d’une réflexion. Et ce n’est pas propre au show biz.

Un sexisme ambiant donc, est-ce pour cela que vous avez créé le collectif féminin le Jam Girl Comedy ?

Par ce projet, je voulais prouver à tous que nous pouvions tenir une scène à nous seules, les femmes. Et ça a été un carton !

Que peut-on vous souhaiter de mieux aujourd’hui?

J’aimerais rester en adéquation avec mon public. Et j’ai envie de jouer en anglais. Je suis partie récemment aux Etats-Unis pour explorer cette piste et tester quelques traits d’humour là-bas.

J’ai énormément d’envies en réalité, il faut maintenant que je trouve le temps !

Nawell Madani si tu étais :

Une philosophie :

« Work hard in silence, let success make noise » : travaille dur en silence, laisse le succès faire du bruit pour toi.

Un personnage :

Charlize Theron dans Monster. J’aime les rôles forts qui demandent une transformation de soi et un travail profond d’interprétation.

Un livre :

Veronika décide de mourir de Paulo Coelho.

NAWELL MADANI 
 »C’est moi la plus belge! »


le 17 avril 2015 au SILO  –  MARSEILLE

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