« Mon premier ramadan »

Alors que des milliers de jeunes convertis se préparent à jeûner le mois de Ramadan avec ferveur et soumission, leurs familles, quant à elles, ne partagent ni leurs convictions ni leurs pratiques. Une situation d’isolement pas toujours facile à vivre. Face aux différentes réactions de leurs familles respectives, les convertis s’adaptent et vivent tant bien que mal le mois de Ramadan.

Une conversion pas toujours acceptée

Ils n’avaient ni racines, ni parents musulmans et pourtant, comme plusieurs milliers de personnes en France chaque année, ils ont embrassé l’Islam. « Lors de ma conversion, mes parents n’ont pas compris, ils pensaient que je les reniais. Ma mère, notamment, l’a très mal pris. Mais ils sont ouverts et après de longues discussions, ils ont fini par accepter mon choix » nous confie Mélissa qui s’est convertie à l’Islam il y a deux ans. Même son de cloche pour Sarah qui a, aujourd’hui encore, du mal à renouer les liens avec son frère. « Au début, ma mère a eu du mal à accepter mais maintenant tout va bien avec elle. Mon frère, par contre, ne me parle plus depuis ma conversion. Pourtant, nous étions proches ». Il faut dire que l’annonce est un choc pour la famille. Submergé entre incompréhension et sensation de trahison, l’entourage prend parfois des décisions radicales. C’est le cas de Clara, 16 ans à peine et convertie depuis 2011. Elle a dû faire face à ses parents pieds-noirs qui sont très anti-religion. « Cela a été très compliqué parce que j’étais très jeune à l’époque et j’ai tout de suite porté le jilbeb donc ils ont eu beaucoup de mal à accepter. Et ils m’ont mis à la porte de chez eux». Contrairement à Mélissa, Sarah et Clara, Nicolas se souvient d’une mère très conciliante : « Si c’est ce que tu veux, fais-le » lui avait-elle simplement dit. Passée l’étape de l’annonce à la famille, vient l’épreuve, pas si évidente du premier Ramadan. Et, que les parents aient accepté la nouvelle religion de leur enfant ou pas, la pratique de ce pilier de l’Islam se fait parfois dans la solitude.

La difficulté de la solitude

Alors que pour la plupart des musulmans, Ramadan rime avec convivialité, pour les convertis, le neuvième mois du calendrier hégirien se conjugue au singulier. Contraints de manger seuls et parfois même de se cacher, leur premier Ramadan a souvent été le plus difficile, les choses finissant en général par s’améliorer au fil du temps. « Mes parents savaient que je m’étais convertie mais ils ne s’étaient toujours pas fait à l’idée donc par respect pour eux, lors de mon premier Ramadan, je me cachais. La deuxième année par contre, tout s’est passé nettement mieux, ils me soutenaient et évitaient de manger devant moi. Ils m’aidaient même à préparer le ftour ! » confie avec joie et soulagement Farah. Clara, qui vit désormais chez une amie, a passé un premier Ramadan plutôt difficile alors qu’elle habitait chez son père. « J’étais la seule à respecter le mois de Ramadan. Je mettais fin à mon jeûne en mangeant des pâtes car mon père n’achetait que ce type de nourriture et je n’avais pas les moyens de faire mes propres courses. Mais aujourd’hui, j’ai fait connaissance avec des sœurs qui m’ont intégrée dans leur famille et tout va mieux ». Melissa, elle aussi, a dû faire face à la solitude notamment lors de la préparation des repas. « En général, je me fais à manger toute seule même si ma mère me prépare aussi des bons petits plats de temps en temps ». Pour ce qui est du ftor, « mes parents mangent très tôt, ce qui fait que je mange toute seule ». « Je souffre un peu de la solitude » nous avoue-t-elle, « quand je suis invitée chez des amies, je vois la différence.

Les amis en substitution à la famille

« Avec deux autres sœurs converties, on essaye de se réunir dès qu’on en a l’occasion pour que cela soit plus convivial ». D’ailleurs, Melissa conseille à tous ceux qui sont seuls de « ne pas hésiter à faire des connaissances à la mosquée ou ailleurs ». Car c’est bien là l’idée, s’éloigner de la solitude et trouver un cadre convivial plus en adéquation avec les principes du mois sacré de Ramadan. Et comme le dit la jeune femme, « le soutien des copines converties est très important, il permet de se sentir moins seul ». Même discours de la part de Nicolas qui affirme que ce qui facilite son jeûne est le fait d’être entouré par des amis qui font, eux aussi, le Ramadan. Clara a, elle aussi, trouvé du réconfort auprès de ses amies après avoir été mise à la porte par ses parents. Elle a été accueillie par l’une d’entre elles et s’est très bien intégrée dans les familles musulmanes. La preuve que dans cette quête de convivialité, les amis sont d’un grand secours. Pourtant, il ne s’agit là que d’une solution temporaire et certains trouvent une réponse permanente à ce problème dans le mariage.

« J’ai hâte de fonder ma famille »

Se sentant seuls alors même qu’ils sont entourés par leur famille, certains convertis finissent par trouver leur équilibre lorsqu’ils fondent leur propre foyer. Ainsi, ils peuvent partager avec leur conjoint des soirées chaleureuses autour du repas. C’est le cas de Sarah qui se sent beaucoup mieux depuis qu’elle s’est mariée et qu’elle a son propre cocon familial, « cela permet de partager ces moments dans la convivialité avec des personnes qu’on apprécie mais surtout qui nous comprennent ». Quitter le foyer familial à la recherche d’un partage impossible à trouver chez eux, c’est l’histoire de bien des convertis qui souffrent de l’incompréhension de leurs proches. Farah l’a compris et s’est mariée à peine trois mois après sa conversion. Elle avoue volontiers que le mariage a été une solution à la solitude qu’elle aurait certainement vécue chez ses parents pendant le mois sacré de Ramadan.

Des amis, un conjoint, une nouvelle famille qui ne pourront pourtant jamais remplacer les parents que les convertis aimeraient voir autour d’eux. Car si le Ramadan est synonyme de partage, de convivialité et de pardon, certains semblent avoir du mal à obtenir cette rédemption et l’acceptation de leur famille. Seuls le temps et la patience, leur permettront peut-être un jour de retrouver les liens qui les unissaient à leurs parents ou frères et sœurs.

S.B

Quelques chiffres

Selon une estimation du Pew Research Center, il y a environ 4,7 millions de musulmans en France, soit 7,5% de la population. 70% de ces musulmans déclarent jeûner pendant tout le mois de Ramadan. Le service des cultes du ministère de l’Intérieur avance le nombre de 4 000 personnes converties à l’Islam chaque année.

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