Inna MODJA, la révélation de l’année

Talentueuse et belle Inna Modja est une vraie révélation. Artiste libre mais aussi femme engagée, elle mène depuis dix ans un combat contre l’excision qu’elle-même a vécue. Son album « Love révolution » est un pur moment de bonheur et de bonne humeur. Rencontre.

 

Echos d’Orient : Comment passe-t-on de mannequin à chanteuse ?

Inna : Je faisais d’abord de la musique. J’ai commencé à écrire et composer à quatorze ans. Je suis complètement autodidacte. A dix huit ans on me propose d’être mannequin en parallèle de mes études et je me suis dit que c’était un bon moyen financièrement d’être indépendante. C’est un métier que j’ai fait avec beaucoup d’amusement sans vraiment d’ambition et qui ne m’a pas détournée de la musique.

Comment définirais-tu l’ambiance de ton nouvel album ?

C’est un album assez pop avec des influences plus soul que le premier. Il me ressemble complètement. Dans cet album je fais découvrir une autre facette de ma personnalité. Il est plus énergique que le premier. Derrière chaque chanson il y a un bout de mon histoire. Les deux albums sont très intimistes. J’aime beaucoup raconter des histoires que moi ou mes proches ont vécu. Il n’ y à rien d’inventé. C’est vraiment l’envie de faire partager aux autres mes expériences plus ou moins sympa.

Comment t’es venue l’idée du titre de ton album « Love révolution » ?

C’est venu spontanément. L’amour que l’on peut recevoir est un vrai confort et qui nous permet de créer une vraie bulle. Aujourd’hui on vit dans une société où les gens sont blasés et trouvent cela naïf ou ringard alors que notre quête du bonheur passe par l’amour.

Quels sont les thèmes que tu aimes aborder ?

J’aime bien évoqué les relations entre les gens que ce soit l’amitié, la famille ou les gens que l’on croise régulièrement avec qui on crée du lien. Pour moi ce sont des thèmes très importants. Dans le titre « Homeless » par exemple, je l’ai écrit en rapport avec cette personne sans abri que je croisais tous les jours en bas de chez moi, on discutait souvent ensemble et j’ai eu envie de parler de cela.

Quelques mots sur le choix de l’anglais dans ton album…

Je n’ai peur de rien sur le premier album, j’ai voulu l’écrire uniquement en anglais car j’ai grandi dans des pays anglophones  donc l’anglais a été spontané dans l’écriture de mon premier album et pour le deuxième je me suis dit c’est l’album des « audaces » et je vais chanter en français. Faire de la musique et être artiste, c’est aussi prendre de la liberté c’est de ne pas rentrer dans un moule, je fais vraiment ce qu’il me plaît. Pour moi c’est primordial de marquer sa différence.

Ta famille a-t-elle joué un rôle important dans tes influences musicales ?

Nous sommes une famille nombreuse et chacun a vraiment son style de musique, du coup cela m’a beaucoup aidé, j’ai grandi avec une musique tellement différente. Mon père écoutait de la sool et ma mère du Gainsbourg et de la musique traditionnelle africaine. Mes sœurs écoutaient du disco, de la pop et mes frères étaient fans de rap… Ces mélanges m’ont habituée à m’intéresser à plusieurs genres de musiques.

« Au bout de dix ans j’ai trouvé ma façon personnelle de faire de la musique »

Ton titre « French Cancan » est devenu l’un des tubes de l’été 2011. Comment vis-tu ce succès ?

J’étais très surprise car c’était le premier titre de l’album. C’était très surprenant car beaucoup connaissait la chanson et elle était devenue le tube de l’été et ça c’était super ! Quand les gens venaient me voir, pour eux la chanson était rattachée à des souvenirs heureux et cela m’a boostée pour la sortie de l’album.

A quel moment as-tu trouvé ton identité musicale ?

J’ai mis beaucoup de temps, pratiquement dix ans. J’avais besoin de travailler, de comprendre comment cela fonctionne et dans cet apprentissage c’est très important d’apprendre à ne pas copier et de trouver vraiment comment on a réellement envie de s’exprimer par l’écrit et la musique. Au bout de dix ans j’ai trouvé ma façon personnelle de faire de la musique et à ce moment-là tu prends la liberté et tu t’enlèves toutes les barrières. L’essentiel pour moi c’est de m’accomplir artistiquement et que j’avance et c’est de cette façon-là que j’ai réalisé le premier album sorti en 2009.

Dans ton nouvel album, Emily est un titre inspiré d’une rencontre dans le train. Peux-tu nous en dire quelques mots…

En fait, j’ai écrit cette chanson pour une jeune femme que j’ai rencontré dans le train et qui s’appelle Emily. Elle m’a raconté son histoire dans laquelle elle a perdu son mari et ses deux filles dans le tremblement de terre à Haïti. Et en aucun moment elle ne s’est apitoyée sur son sort. C’est une femme battante et pleine de vie. J’ai eu envie d’écrire cette histoire sans pour autant que ce soit une histoire qui fasse pleurer car cette femme avait de l’espoir et elle m’a transmis beaucoup d’énergie. L’histoire s’est écrite toute seule.

Tu mènes également un combat contre l’excision que tu as toi même vécue…

J’ai vécu l’excision à l’insu de mes parents. Cela fait huit ans que je lutte contre l’excision. C’est une pratique qui se fait encore aujourd’hui hui, il y a environ 3000 petites filles qui se font exciser dans le monde chaque jour. C’est un chiffre qui fait froid dans le dos et on essaie par la parole et la sensibilisation de faire prendre conscience de tous les risques qu’une femme prend en étant excisée que ce soit physiquement ou psychologiquement. On essaie de faire basculer les choses pour que le poids des traditions s’allège.

Comment se bat-on contre une telle pratique aussi taboue en Afrique ?

En parlant. Ce qui est paradoxal, c ‘est qu’en Afrique ça évolue plus rapidement qu’en Europe car les gouvernements et les associations mettent tout en place pour sensibiliser les gens sur l’excision. Avec mon association « Tostan » nous avons également comme objectif d’aider les femmes à lutter contre la pauvreté afin d’être autonomes, car les excisions sont faites par les femmes. Aider ces exciseuses à trouver un autre métier est important et permet de faire reculer l’excision et que celles-ci ne se retrouvent pas sans rien pour vivre. En France, c’est beaucoup plus difficile car c’est très tabou et les filles sont partagées entre leur éducation occidentale et le poids de la famille.

Penses-tu que ta notoriété peut contribuer à faire avancer les choses ?

Je mène le combat différemment. Avant j’accueillais les filles en cachette chez moi et aujourd’hui je ne peux plus le faire. J’ai reçu des menaces. Il y a encore beaucoup de gens qui sont contre la lutte de l’excision. Je continue à en parler. Le but c’est de leur dire « j’ai vécu ce que vous avez vécu, je comprend et il y a une porte de sortie ». Si aujourd’hui je suis entendue tant mieux et je continue à me battre avec l’association « Tostan » pour aider à améliorer la condition de la femme africaine.

Envisages-tu une tournée à l’étranger ?

L’album est sorti au Canada, au Japon et en Allemagne. Je vais déjà aller dans ces pays pour faire de la promo. Et sans oublier l’Afrique qui est très importante pour moi. Mes parents ne m’ont jamais vu chanter !

F.C

 

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