Akhenaton, Vivre maintenant

Depuis 2006, Akhenaton n’avait pas fait d’album solo. Il revient avec Je suis en vie, un opus très personnel, plein de sensibilité, où il se livre avec une simplicité touchante et cette subtilité qui le caractérise tant. Rencontre avec une légende vivante du rap français et une figure mythique de Marseille.

Echos d’Orient : Le thème central de cet album est une référence au livre d’Eiji Yoshikawa, Le sabre et la pierre. Pourquoi ce choix ?

Akhenaton : C’est parce qu’il évoque un thème central à l’être humain qui est la recherche du bonheur. Et j’ai fait un album viscéral autour de ce thème. Au mois d’avril je ne savais pas que j’allais enregistrer un album que j’ai terminé à la fin du mois d’août, il a été fait en très peu de temps et donc il reste dans la lignée de Méteque et mat  ou Sol Invictus, il est très introspectif.

La conclusion du livre c’est : « Toute conduite conforme à l’ordre est couronnée de succès, mais qui suit le chaos finit toujours par chuter. » Êtes-vous de cet avis ?

Elle est bien cette phrase, car je pense que l’univers remet les choses dans leur juste chemin après, peu importe le temps que ça prend. Parfois,on a l’impression que des civilisations sont établies pour l’éternité et un jour, tout chute. Les Mayas étaient persuadés de pouvoir rester très longtemps et en 25 ans de sécheresse, ils ont tout perdu.

En dehors de ce livre, quelles ont été vos principales sources d’inspiration pour cet album ?

Musicalement, c’est principalement de la Soul, du Jazz. C’est les musiques qu’on écoute depuis le début. Il y a aussi beaucoup d’autres influences comme de la musique orientale ou chinoise. Si on a choisi de s’appeler IAM c’est justement du fait que pour nous le rap n’a pas de limites et qu’on peut s’inspirer de tout. On est en dehors de l’orthodoxie basique. On est puriste dans notre genre, mais on reste très ouvert sur toutes les autres formes de musique.

« Le temps fuit alors que nous sommes prisonniers de nos quotidiens dérisoires »

Pourquoi avoir choisi d’intituler votre album « Je suis en vie » ?

Parfois on n’a pas conscience de ce que c’est que la valeur de la vie. Et il faut en arriver à perdre des gens très importants pour soi pour réaliser la chance que l’on a d’être en vie, ou alors, il faut être soi-même en danger… J’ai eu la malchance d’avoir l’un de mes parents qui a été bien malade et cette personne chère à mon cœur a une force de vie qui dépasse tout. C’est une belle leçon de vie.

Dans le titre Tempus fugit, vous évoquez les épreuves de la vie, quelles leçons en tirez-vous ?

Je ne m’attarde plus sur des détails futiles qui avant pouvaient me contrarier. J’ai fait un travail intérieur pour me concentrer sur l’essentiel et sur la beauté de la vie. Cette chanson est directement liée à cette façon de penser. Tempus fugit est une ode à la vie tirée d’un poème de Virgile qui dit :« Le temps fuit, il fuit inexorablement alors que nous sommes prisonniers de nos quotidiens dérisoires. »

Dans cet albun, vous donnez aussi votre avis sur la jeune génération avec un constat assez pessimiste…

Je trouve que nous vivons une révolution technologique incroyable,mais qu’il y a beaucoup de pièges. Aujourd’hui, je trouve que la société ne tourne pas rond, car on est dans la surreprésentation de soi et, y compris dans le quotidien, quand les gens se prennent eux-mêmes pour leur propre télévision et mettent en doute les informations officielles. Ils deviennent des grands paranoïaques. Ils se surveillent entre eux. C’est pour ça que j’ai fait un morceau comme « Little Brother is watching you »parce que les gens se jugent les uns les autres de manière particulièrement agressive. Et c’est valable pour le monde entier, pas seulement en France.

Le morceau Souris encore qui s’adresse à votre fille était prévu pour l’album Arts martiens, pourquoi avoir fait le choix de l’intégrer dans cet album?

En fait, il n’était pas fini à l’époque. Il avait seulement un couplet et pendant trois ans je n’y ai pas touché. Et quand Sébastien Damiani et Faf, le frère de Jo, ont fait la partie instrumentale, on a ajouté des instruments live et j’ai été inspiré pour les textes, donc on a pu le sortir. Je suis très fier de ce morceau.

Vous faites aussi référence à Éric Zemmour. Michel Houelbecq a sorti un livre dans lequel il imagine une France dirigée par un président musulman en 2022 et soumise à l’Islam radical, quel est votre sentiment ?

Ce sont des gens qui ont tiré sur les ficelles de manière dangereuse et on voit le résultat aujourd’hui avec la montée en puissance de l’extrême droite. C’est dû à un combiné de paroles libérées et d’émissions de télé débridées sur la TNT qui montrent tous les soirs des arrestations alors que ça faisait la quatrième page dans un quotidien miteux il y a 20 ans… Alors les gens ont peur. Donc pour moi, Eric Zemmour, Michel Houellebecq ou Alain Finkielkraut jouent sur ces peurs pour vendre. Ce sont donc des commerçants du drame et du mal.

Sur le titre Dezolation vous dites « On a érigé en stars des modèles minables. À quoi faites-vous référence ?

En fait, pendant des années en France, et pas seulement dans les classes sociales défavorisées, on a aimé profondément le bandit. Donc tout le monde aime le bandit. Le bobo qui regarde Canal Plus, il aime le bandit, par exemple, parce qu’il regarde les séries Pigalle, Mafiosa. Il aime moins le bandit quand il est dans sa cuisine avec un pied de biche en train de le braquer… Et je pense qu’on hérite de ce qu’on aime, donc il faut arrêter de développer cette fascination qui pousse les gens à tellement aimer les bandits parce que cela finit par se retourner contre eux.

Globalement le FN a fait une percée dans le paysage électoral marseillais quel est votre ressenti?

Le FN est bien là à Marseille et depuis un moment. Nous, on est dans le 13e arrondissement et Stéphane Ravier a été élu maire de notre secteur… Donc on le voit bien. Je pense que les Marseillais devraient se souvenir d’où ils viennent et d’où leurs parents sont venus. Je ne parle pas uniquement des Arabes et des Noirs,mais je pense aux Italiens et aux Espagnols notamment. Il faut qu’ils se souviennent d’où ils sont venus et comment ils ont été accueillis…

S.H.D

Exposition Évènement à l’Institut du Monde arabe

« Hip-Hop, du Bronx aux rues arabes. »

L’Institut du Monde arabe, à Paris, a inauguré en avril dernier, une exposition sur le mouvement hip-hop orchestrée par Akhenaton. Cette très belle exposition, accompagnée d’une série de manifestations et de concerts, raconte l’histoire du hip-hop, de sa naissance aux États-Unis en passant par sa réappropriation en France dans les années 1980 et son implantation dans les rues des pays arabes pendant les printemps révolutionnaires. À ne pas manquer. Jusqu’au 26 juillet.

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